jeudi 20 juin 2013

L'idée qu'un autre traitement de l'information m'est venue alors que je travaillais comme correspondant local pour les journaux du groupe Sud Presse.  Dans ce contexte, j'ai eu la chance de vivre trois jours au milieu des soldats belges en mission au Kosovo.  Sur place, la population souffrait du manque de tout.  Pourtant, je n'ai vu que des sourires, des gestes accueillants, des regards apaisants.  Pas une journée sans qu'on vous invite à partager un thé, un café ou une eau chaude saumâtre en guise de soupe.  Dans cette contrée de toutes les misères, les armées étrangères étaient considérées comme des sauveteurs.  Et si nos paras se comportaient comme tels, d'autres détachements refusaient obstinément de sortir de leur mandat pour adapter leur action en faveur de la population locale.  Pire, ils montaient la garde devant des caisses d'oranges, de citrons de pamplemousses intacts destinées à la poubelle.  C'est au cœur de cette détresse, suivant l'exemple d'un homme comme l’aumônier Quertinmont et sa "Radio Hope" (Radio Espoir) que je   me suis dis que je devais changer ma manière de pratiquer mon métier.  

Aujourd'hui, ces valeurs de solidarité, d'optimisme et de partage sont bien ancrées en moi.  Loin des prétextes, des visages de façade ou des regards entendus, ces trois piliers ont également une véritable utilité économique, culturelle, sociale et socioculturelle.

A l'heure de la crise économique et d'un Internet qui décuple le flot de mauvaises nouvelles et leur vitesse de propagation, qui oserait prétendre devant un jeune sans emploi qu'il faut croire en l'avenir?  De nos jours, les employeurs ont tous les choix et vont au recrutement comme on va au marché.  Les profils recherchés? Moins de 30 ans et diplômé(e) avec au moins 5 ans d'expérience! En réfléchissant, je ne peux  pas leur en vouloir car je les plains. Eux qui cherchent la perle rare en oublient que "des chercheurs qui cherchent, on en trouve mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche". En exigeant la perfection, ils ignorent les "pépites".  Elles se reconnaissent pourtant à la lueur d'espoir qui brille dans leurs yeux, à cette   motivation qui brûle au fond de leur regard.  Leur diplôme est celui de l'école de la rue, la seule qui n'a pas oublié que le premier emploi de l'être humain, c'est d'être intelligent, de pouvoir s'adapter à n'importe quelle situation nouvelle.  Réconcilier ou concilier la scolarité et l'expérience de terrain, c'est là le défi d'un tel projet.

Au sein des quartiers, cette mission de vendeur d'espoir s'exprime autrement.  Derrière la mauvaise image que les Namurois auraient des habitants des Balances, ne faut-il pas voir la propre image écornée d'une jeunesse dépitée voire désœuvrée? Là, rendre l'espoir signifie valoriser la richesse multiculturelle issue de la différence.  "I'm black and I'm pride", lançait la Communauté noire dans l'Amérique ségrégationniste des années 70, de nos jours la manifestation festive et revendicative des homosexuels s'appelle la "Gay Pride" (l'honneur des homos).  Scandées en slam ou "rapées", les paroles des chansons des jeunes d'aujourd'hui ne disent rien d'autres.  Et si noirs ou gays ont réussi à se faire une place si ténue soit telle au sein de notre société, c'est parce que, à côté de leurs révoltes, ils ont su adapter leurs discours, les rendre non pas politiquement plus corrects mais politiquement audibles, politiquement acceptables avant qu'ils ne deviennent une évidence politique.  Dans les Balances ou ailleurs, en 60 heures, on ne créera pas de générations spontanées de journalistes.  Mais, demain, celles et ceux qui nous auront suivis regarderont leur travail avec une lueur dans l’œil qui veut dire "c'est moi qui l'ai fait".  Et puisqu'elle est construite par eux, on espère qu'ils n’oublieront jamais cette lueur, surtout devant un employeur potentiel.

Enfin, je clôturerai en citant ce proverbe wallon "Ni roviyoz nin qui c'èst dins l'nut qu'lès stwèles lûch'nut, c'èst dins l'nîve qui l'solia èst l'pus bia, on n'pout nin dire tot èst foutu tint qui chake djou è-st-on novia" (N'oublie pas que c'est dans la nuit que les étoiles luisent, dans la neige que le soleil est le plus beau.  On ne peut pas dire "tout est foutu" tant que chaque jour est un nouveau).

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